Kelvin Grade



KELVIN GRADE


Travail de Bachelor 2021.
L’idée de départ découle de discussions avec certains.e.x.s. acteur.trice.x.s du monde culturel artistique genevois. Il a pour but d’apporter une nouvelle visibilité aux futurs évènements de ce monde. Les événements partagés sur Kelvin Grade proviennent de lieux à but non lucratif qui mettent en oeuvre une approche culturelle, plutôt que commerciale vis-à-vis de l’art sous toutes formes. Ce sont des espaces ouverts à tous.tes.x qui favorisant un cadre de bienveillance. Ce projet est un hommage à la culture qui lutte pour sa survie depuis mars 2020.

Nominé au Prix d’Excellence Hans Wilsdorf 2021.
Lauréate du Prix FCAC Fonds Cantonal d’Art Contemporain 2021.
Lauréate de la Bourse Culture Covid 2022.
En mars 2023, Kelvin Grade a été selectioné dans l’Incubateur HES Pulse et est en phase d’incubation.
Coming soon …


Texte critique du chercheur Nicolas Nova

« Civic hacking
Dans un ouvrage à propos de l’influence croissante des technologies numériques dans un contexte urbain, l’urbaniste Anthony Townsend décrivait l’émergence d’une figure nouvelle de la production de la ville contemporaine, celle du « civic hacker ». Cette expression désignait pour lui la multiplicité de développeurs concevant des applications promouvant des pratiques collaboratives de l’urbain, et qui fonctionnent à partir des quantités massives de données devenues disponibles grâce au numérique. Face aux géants des technologies de l’information et de la communication tels que IBM, Cisco ou Google qui nourrissent une vision caricaturale de la ville, ces hackers civiques défendent un autre point de vue au moyen d’initiatives individuelles et d’expérimentations originales. Généralement pour favoriser la découverte plutôt qu’une logique strictement commerciale, ou en soutenant la prise de décision collective plutôt que hiérarchique.
C’est cette logique de civic hacking qui transparait dans le travail de Céline Nidegger. En premier lieu par la manière spontanée de procéder, qui relève d’un geste citoyen pour comprendre un contexte problématique et s’en saisir dans un acte de création. La difficulté manifeste des lieux culturels à exister et à fonctionner avec la situation sanitaire liée au COVID-19 est prise comme un point de départ, à partir duquel trouver des opportunités pour y pallier.
Civic hacking encore par une démarche typique des pratiques « hacking », que l’on pourrait définir ici non comme une façon de pénétrer les systèmes informatiques par jeu ou par plaisir, mais davantage comme une forme d’exploration au moyen de détournements créatifs. C’est ce mode opératoire qui est à l’œuvre dans Kelvin Grade. Céline Nidegger procède pour cela par deux retournements. D’abord en retournant la contrainte qu’ont eue les lieux culturels de comptabiliser le nombre d’entrées des salles. Ces jauges de visiteurs conçues pour des raisons sanitaires sont alors réutilisées pour littéralement mettre en lumière, sous forme d’une carte thermique, la densité de fréquentation des différents évènements de Genève en temps réel. Effectuée de manière anonyme, et sans recours aux données personnelles, cette réutilisation d’un système de comptage est à la fois la cause d’un problème, et une piste de solution pour produire une perspective nouvelle sur la vie de la cité.

Un second retournement au cœur du projet de Céline Nidegger concerne le mode de fonctionnement d’un tel agenda de sortie. Contrairement à l’organisation en flux temporel des réseaux sociaux et autres applications de messageries tournées vers l’immédiateté, l’interface de Kelvin Grade est structurée autour d’une carte. Ce recours à la métaphore spatiale plus que temporel renouvelle les cartographies interactives nées au milieu des années 2000 dans un champ méconnu de l’art numérique, le locative media. Cette démarche de média géolocalisé est ici remise au goût du jour pour rendre compte du pouls de la ville. Et ce faisant révéler les opportunités de sortie et de découverte, afin de s’y rendre ou au contraire d’éviter certains lieux. Mais sans doute aussi pour contempler l’ensemble comme un répertoire des possibles que l’on peut tout autant saisir en se rendant sur place (motif utilitaire), qu’observer dans une logique contemplative évocatrice des aménités urbaines à disposition (motif contemplatif).
Retournement de la contrainte sanitaire et sécuritaire d’une part, retournement de la structuration temporelle d’autre part, Kelvin Grade renouvelle finalement les manières de se relier aux lieux de culture alternative. À la fois en zoomant sur un endroit donné pour en découvrir à distance un échantillon, et par un panorama qui révèle Genève comme un « corps dont nous sommes les particules qui s’agitent pour la réchauffer et la faire vivre », tel que l’écrit Céline Nidegger dans un de ses textes. Cette vision incarnée de l’espace urbain comme celui d’un organisme fait écho au même Anthony Townsend, qui décrivait dans son ouvrage les multiples façons dont les technologies numériques amplifient le « métabolisme » de la ville; comme si celle-ci avait son propre ensemble des réactions chimiques lui permettant notamment de se maintenir en vie, de se développer et de répondre aux stimuli de son environnement, du battement cardiaque à la production énergétique représentée par sa métaphore thermique. »
Nicolas Nova PHD et chercheur de l’anthropologie des cultures numériques, l’ethnographie et la recherche en design

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